Le parcours artistique de Goodridge Roberts : une vie en couleur


Goodridge Roberts naît en 1904 à la Barbade, où ses parents sont en vacances. Son père, Theodore Goodridge Roberts, est poète et romancier, et sa mère, Frances Seymour Allen, est une figure de soutien intellectuel et affectif. La famille retourne bientôt à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, où elle vit avec le grand-père paternel de Goodridge, recteur de l'église paroissiale anglicane. Les fréquents déplacements de la famille entre le Canada, l'Angleterre et la France pendant son enfance exposent Roberts à une variété d'influences culturelles et artistiques.

Les premières expériences de Roberts en Angleterre, notamment ses visites aux jardins de Kensington, ont éveillé son amour pour la nature et son désir de capturer sa beauté à travers l'art. Le souvenir vif d'une journée de printemps dans les jardins, où il a été frappé par les variations de nuances de vert et le jeu de la lumière du soleil sur les feuilles, a déclenché sa passion pour la peinture, qui allait durer toute sa vie. Ses premières tentatives de peinture ont été modestes, utilisant des aquarelles pour représenter les arbres près de la Serpentine, mais cette expérience l'a mis sur la voie qui allait définir l'œuvre de sa vie.

Éducation et développement artistique

Roberts a commencé sa formation artistique au Canada, où il a fréquenté l'École des beaux-arts de Montréal de 1923 à 1925. Son passage à l'école a été marqué par un succès remarquable, car il a remporté de nombreux prix et a commencé à développer son style distinctif. Un moment décisif a eu lieu lorsqu'il a visité une exposition rétrospective de James Wilson Morrice, dont l'œuvre a laissé une impression durable sur le jeune artiste. La capacité de Morrice à simplifier ses sujets sans perdre leur essence, en particulier son utilisation du vert, du noir et du marron, a profondément influencé Roberts.

En quête d'une plus grande évolution artistique, Roberts s'installe à New York en 1926 pour étudier à l'Art Students League auprès d'artistes de renom comme John Sloan, Boardman Robinson et Max Weber. Sous la direction de Sloan, il perfectionne ses compétences en matière de croquis rapides d'après nature, une pratique qui façonnera sa capacité à saisir rapidement l'essence de ses sujets. Robinson l'initie au travail des primitifs italiens, tandis que Weber l'expose aux objectifs des modernistes français, ce qui conduit Roberts à expérimenter la nature morte et la peinture de personnages influencés par Cézanne et Matisse.

Luttes et début de carrière

À son retour au Canada en 1929, Roberts doit faire face aux dures réalités de la Grande Dépression. Il travaille comme dessinateur pour le service forestier provincial à Fredericton, et poursuit sa pratique artistique en créant des aquarelles avant et après le travail chaque jour. Ses tentatives pour gagner sa vie par divers moyens, notamment en vendant des pinceaux Fuller, n'ont pas eu beaucoup de succès. Cependant, sa détermination l'amène à ouvrir une école d'art d'été à Wakefield, sur la rivière Gatineau, avec ses collègues artistes William Firth McGregor et Bernard More. Malgré des débuts modestes, l'école attire l'attention de personnalités notables, ce qui marque le début de l'implication de Roberts dans la scène artistique canadienne.

En 1932, Roberts entame une période de créativité intense alors qu’il vit dans une tente sur la propriété de H.O. McCurry, directeur adjoint de la Galerie nationale du Canada, à Kingsmere. Entouré de paysages inspirants, il produit de nombreuses aquarelles, travaillant avec une palette limitée de vert, de violet et de noir. Son travail commence à être reconnu, ce qui lui permet de présenter sa première exposition personnelle au Arts Club de Montréal, organisée par Ernst Neumann, un autre étudiant de l’École des beaux-arts.

Reconnaissance et années de guerre

La carrière de Roberts prend un tournant important en 1933, lorsqu'il est invité par John Lyman à participer à une exposition collective à Montréal. Cette exposition lui ouvre d'autres opportunités, notamment celle de devenir membre du Eastern Group et de la Contemporary Art Society en 1939. Ses paysages de cette période, caractérisés par des ciels sombres et des nuages ​​ardents, reflètent sa maîtrise croissante de la couleur et de la composition.

En 1943, Roberts s’enrôle dans l’Aviation royale canadienne (ARC) et est nommé artiste de guerre. Son séjour outre-mer, notamment à la station Coastal Command près de Ford dans le Sussex, en Angleterre, lui donne naissance à 116 dessins et aquarelles qui illustrent les réalités de la guerre. Ces œuvres, qui font maintenant partie des archives de guerre, ajoutent une nouvelle dimension à son héritage artistique.

Réalisations d'après-guerre et fin de vie

Après sa libération de l'ARC en 1945, Roberts revient au Canada et continue de peindre, d'enseigner et d'exposer ses œuvres. Ses paysages de cette période, notamment le célèbre « Lac Orford », témoignent de sa capacité à imprégner des scènes ordinaires d'un sentiment de grandeur et d'une profondeur émotionnelle. Malgré son succès, Roberts a du mal à vivre uniquement de son art, ce qui l'amène à continuer d'enseigner, un rôle qu'il accepte à contrecœur.

Le mariage de Roberts avec Joan Carruthers Carter en 1954 et l'obtention d'une bourse du gouvernement canadien qui lui a permis d'étudier en France ont marqué des étapes importantes dans sa vie personnelle et professionnelle. Son travail a continué à recevoir des éloges, notamment son élection comme membre à part entière de l'Académie royale canadienne en 1956.

Au cours des années 1960, les œuvres de Roberts ont été présentées dans de nombreuses expositions, tant au Canada qu'à l'étranger. Sa nomination comme premier artiste résident à l'Université du Nouveau-Brunswick en 1959 lui a permis de bénéficier d'un revenu stable et de peindre des paysages hivernaux pour la première fois. Ses œuvres de cette période, en particulier ses peintures du fleuve Saint-Jean, restent très appréciées.

Héritage et Rétrospective

La contribution de Goodridge Roberts à l'art canadien a été reconnue par une importante rétrospective organisée par James Borcoman et Alfred Pinsky au Musée des beaux-arts du Canada en 1970. L'exposition a mis en lumière l'étendue et la profondeur de son œuvre, des paysages aux portraits, en passant par les natures mortes et les peintures de personnages. La capacité de Roberts à saisir l'essence de ses sujets, que ce soit dans la tranquillité d'une scène rurale ou l'intemporalité d'un portrait, a consolidé sa place comme figure importante de l'art canadien.

Roberts a continué à peindre et à exposer jusqu’à sa mort en janvier 1974. Son héritage perdure à travers les nombreuses collections qui abritent ses œuvres, notamment celles du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée des beaux-arts de l’Ontario. Son épouse, Joan, et leur fils, Timothy, ont continué à soutenir la préservation et l’exposition de ses œuvres, veillant ainsi à ce que les générations futures puissent apprécier l’art de Goodridge Roberts.

La vie et l'œuvre de Goodridge Roberts illustrent le dévouement et la passion d'un artiste qui, malgré les difficultés, est resté fidèle à sa vision. Sa capacité à transformer des scènes ordinaires en moments d'une beauté profonde et son influence sur l'art canadien font de lui une figure d'une importance durable.

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